Ethnie Tiefo

L’ethnie Tiefo se situe au sud de Bobo Dioulasso ; sa capitale historique : Noumoudara, est à 26 km sur la route de Banfora. Originaire sans doute du Mandé, elle s’est établie en Haute Volta et n’a jamais bougé de cette zone.

Cette ethnie, très peu connue, reste forte d’environ 20 000 ressortissants qui vivent souvent ailleurs (dont Bobo Dioulasso). Jadis puissante, elle est en train de s’éteindre, absorbée par les Dioula dont la plupart des tiefos parlent la langue.
La culture comme la langue peine à se maintenir. Ne disposant que de trop peu d’écrits, la connaissance de cette ethnie se base surtout sur la tradition orale.

(A gauche, le portrait de Tiefo Amoro au mausolée de Noumoudara)

LES ORIGINES

Les Tiefos se seraient installés dans le sud de Bobo Dioulasso après 1600. La tradition affirme qu’ils viendraient du Mandé, d’autres traditions parlent du royaume de Kong. Mais les premières traces réelles se situent autour de 1700.Ils se sont d’abord installé à Taparga puis Nianfongon avant de s’éparpiller dans d’autres villages. A l’époque, l’ethnie partait de Noumoudara et allait jusqu’à Sidéradougou et jusqu’aux falaises de Banfora.

Actuellement les villages tiefos sont moins nombreux, ils se cantonnent dans les Hauts Bassins et quelques uns dans les Cascades.

Sur le plan historique, il n’y a que la traditions qui peut en parler. Ainsi, un ancien du nom de Bwa Ouattara aurait été enlevé par le roi de Kong, éduqué sur place avant de revenir vers les Dioula.

Félix Ouattara, le guide et gardien du mausolée

TIEFO AMORO

La capitale historique se situe à Noumoudara. Son nom est issu d’une mauvaise compréhension des colons car la vraie orthographe est  » « Noumoudaga » (Noumou = « forgeron » et daga= » village » en langue tiefo). On retrouve des tiefos à Peni, Mai, Matourkou… malheureusement la population parle la langue dioula et non plus tiefo.

Il faut attendre la fin du XIXème siècle pour trouver des traces historiques avec l’avènement d’un célèbre chef de guerre : Amoro Ouattara, surnommé « Tiefo Amoro » en l’honneur de son ethnie. C’est le 11ème chef chez les Tiefo. Si on ignore sa date de naissance, on sait en revanche sur son histoire s’est arrêtée en 1897 par son suicide.

L’objectif de Tiefo Amoro était de s’opposer à toute forme d’invasion ou d’attaque de son ethnie. Il a levé et formé une armée de guerriers pour défendre son territoire.
Véritable chef de guerre, il s’est opposé à la venue de Binger en 1888, refusant de le saluer.
Guerrier intrépide, il est connu pour s’être affronté en 1893 au roi du Kénédougou et son frère Babemba lors de batailles à Bama et Peni. Lors de la bataille de Bama, le roi du Kenedougou est tué, son frère par vengeance ira raser Peni.

La bataille la plus spectaculaire sera celle qui va l’opposer à Samory Toure. En 1897, Samory toure épargne Bobo Dioulasso et attaque Noumoudara. La bataille va durer 7 jours. Le fils aîné de Samory Toure est tué et Tiefo Amoro est trahi, semble-t-il par une de ses épouses qui mêle de l’eau à la poudre à fusil. L’armée de Tiefo Amoro manque alors de munitions.
Tiefo Amoro se suicide pour éviter de tomber entre les mains de Samory Toure. Il fait creuser sa tombe et rentre dans sa maison de suicider – Une autre tradition veut qu’il ait demandé à ses soldats de lui tirer dessus.

On dit que la traitresse est allée voir Samory Toure pour toucher son dû, mais ce dernier aurait rétorqué que si elle était capable de trahir son époux, elle serait également capable de le trahir lui et il la fit décapiter.

Samory Toure

Dès lors le peuple Tiefo a perdu de sa superbe.  Le gouvernement a attendu 2006 pour construire un mausolée à Tiefo Amoro. Sa tombe est au sous-sol, entourée des 52 villages qui constituaient la géographie de l’ethnie Tiefo autour du canton de Noumoudara.
Il est accompagné des deux tambours sacrés de Tiego Amoro, fabriqués en 1890 avec de la peau humaine tirée des esclaves « récalcitrants » capturés par Tiefo Amoro.
Le mausolée, transformé en musée, contient également d’autres objets de la période de Tiefo Amoro.

 

Comment expliquer le déclin de cette ethnie ?

La langue n’est plus parlée que par quelques personnes et si la culture est toujours présente, elle peine à se transmettre.
Plusieurs personnes avancent des explications diverses. L’ethnie est coincée entre les Senoufo, les Bobo et les Dioulas. Pratiquement tous les Tiefo parlent le dioula, à part quelques mots spécifiques qui se transmettent plus ou moins.

Une majorité s’est convertie à l’Islam délaissant la religion traditionnelle pourtant vecteur de traditions culturelles.
D’autres avancent un problème économique, les Tiefo étaient des forgerons (expliquant ainsi leur emplacements à Noumoudara, proche des collines qui contenaient du fer) mais de piètres commerçants. Ils n’auraient pas tenu le coup face aux Dioulas et aux Bobos qui se débrouillaient mieux qu’eux.

à Droite : les deux tambours sacrés de Tiefo Amoro avec les explications de Félix Ouattara

Quelques éléments de traditions

Le mariage chez les Tiefo se fait exclusivement entre personnes d’une même famille, jamais en dehors ; d’où un problème de consanguinité.
La femme s’occupe de la maison, la grand-mère s’occupe de ses petits enfants. La seule occupation lucrative des femmes consistaient en la fabrication du beurre de karité ce qui est encore le cas.
Les scarifications existaient mais différentes chez les hommes et les femmes.

Les noms traditionnels des enfants s’attribuaient en fonction de la hiérarchie de naissance. Le premier né des garçons s’appelait Sie, le deuxième San et le troisième La.
Chez les filles, la première était Ye, la deuxième Ya et la troisième Yabi.
Seuls les hommes à l’âge de trente ans pouvaient être initiés : on leur attribuait alors un nom d’initié qui correspondant à l’attitude que l’homme avait eu pendant l’initiation : Tapigui, Forogo, Yangaseni, Sogoka, Manguia…

Quelques mots de vocabulaire

  • Bonjour : Basant
  • La famille  : wolododo
  • comment va la famille . : wonanba
  • tout va bien dans la famille : wayina
  • tu es bien réveillé ? iyigua
  • oui très bien réveillé : eyankwi
  • çà va mieux : wogofema
  • et ton père ? etondo
  • la maman ? ou la femme ? ewado
  • et les enfants ? enanbiodo
  • un seul enfant : enanbi
  • le chef de terre s’appelle Sotigui

(Copyright photos : A. Chalamon et Général Gouraud, « souvenir d’un Africain au soudan » 1939)
Merci à Félix Ouattara, guide et gardien, pour ses explications et à Daouda Sanfo pour son enquête